Israël – Mer Morte

Audacieuse l’idée de survoler un territoire où les zones interdites par Tsahal, l’armée israélienne, sont légion. Certes, Romain et Steeve étaient venus en reconnaissance, sillonnant le pays en voiture un mois plus tôt mais les incertitudes demeuraient. Les Buckeye, chariots biplace à moteur Rotax et parachute à gros caissons, sillonnent le ciel au Nord de Tel Aviv pour des baptêmes de l’air à une cadence stakhanoviste. L’un de ces pilotes de parachutes motorisés, notre premier contact, devait s’avérer être un escroc qui nous déconseillait de voler sans son agrément, chèrement facturé, sinon nous risquions tout simplement la prison. En Israël, aucun diplôme de vol n’est requis pour ces pilotes PPC, ni pour la centaine de < paramotoristes ». La pratique y est libre, mais les contraintes de la langue, de la sécurité, des zones militaires, peuvent aisément décourager les étrangers.

Notre témérité et notre persévérance ont finalement eu raison des fausses informations, et nous avons survolé les plages entre Tel Aviv et Netanga à de multiples reprises. L’absence de législation parapente et paramoteur encourage le survol du littoral pourtant très urbanisé, pour le plus grand plaisir de Didier et Xavier-Batman! Ailleurs, il est indispensable de téléphoner à l’armée avant tout décollage afin d’obtenir une autorisation de vol. Une fois les contacts établis, nous avons reçu de nombreuses réponses négatives malgré l’aide précieuse qu’Andy, paramotoriste israélien, nous a généreusement apportée.

Ainsi le survol de la mer Morte, l’objectif du voyage, était plus qu’incertain tant l’Israeli Air Force y est présente. Il y fait 32 °C en octobre et l’endroit est soumis à des vents puissants compte tenu de la géographie du lieu. Partagée entre Israël au sud, la Jordanie à l’est et la Cisjordanie au nord, dépression la plus basse sur terre avec une altitude négative de 430 m, la mer Morte est un lac hyper salé contenant dix fois plus de sel que l’eau de mer.

Les concentrations en magnésium, potassium et brome sont si importantes qu’elle est quasiment abiotique, c’est-à-dire sans vie. Seuls quelques organismes microscopiques s’y développent, notamment une algue unicellulaire verte, la Dunaliella parva.

Grâce à Andy qui téléphonait sans cesse à l’armée de l’Air, nous avons obtenu quelques créneaux de vol pendant lesquels les conditions météo se sont avérées
favorables. Nous avons exploré la partie israélienne de la mer Morte, c’est-à-dire le sud-ouest. Une fois en vol, je désespérais de trouver les eaux rouges typiques
des marais salants. Cette couleur était absente, l’algue verte ayant coloré tous les bassins d’évaporation. Mais je trouvais le Graal, des concrétions salines fractaliennes à la frontière jordanienne qui nous réjouirent tous!

Romain et Alexandre se prêtèrent au jeu de mon objectif en effectuant des passages bas sur le sel, le risque de se noyer étant nul tant la flottaison est forte,
mais le matériel n’y résisterait pas. Un bain de quelques minutes serait plutôt bénéfique… comme l’attestent les nombreux curistes qui s’y immergent au pied
des hôtels sur l’autre rive.

Le dernier vol prévu s’avérait difficile par l’annonce d’une météo très défavorable selon les militaires. Seuls trois d’entre nous ont bravé les éléments qui
devaient se déchaîner une heure plus tard. Nous avions déjà atterri, sains et saufs!

Puis nous avons poursuivi notre voyage en remontant plein nord, longeant le Jourdain et traversant la Cisjordanie pour arriver au lac de Tibériade, ou mer de Galilée, qui borde le plateau du Golan.

Les frontières syrienne, jordanienne et palestinienne sont proches, et des norias d’hélicoptères quadrillent le lac à toute heure. Le survoler, sans en informer les autorités, peut s’avérer lourd de conséquences. Symboliquement, je voyais déjà Maxim, le champion belge de l’équipe, marcher sur l’eau, tant il maîtrise le barefoot! Cela ne se fera pas. Faute d’autorisations de vol, nous nous sommes éloignés du lac vers la Galilée.

Mentionné dans les trois religions monothéistes, connu par sa position stratégique dans l’Histoire, le mont Tabor est réputé pour la transfiguration du Christ. Ses pentes accueillent le vol libre, quelques parapentes y jouent, nous tentons notre chance. Nous sommes très proches de Nazareth, devenue une ville bâtie de grands immeubles. Mais quelle est cette vision surréaliste d’un Zeppelin à l’horizon? Nous prenons la route afin de nous approcher du dirigeable, visible à plusieurs kilomètres.

Nous nous heurtons à un camp militaire, la communication est difficile, très peu de soldats parlent l’anglais. Nous comprenons qu’il ne faut pas s’en approcher.
J’apprendrai plus tard que cet aérostat militaire géant est utilisé en guise de détection et de surveillance à haute altitude. Ali s’y frottera les ailes avant de trouver les villages bédouins qui cernent le mont Tabor.

De retour à Netanya sur la côte, nous confrontors nos engins volants aux kitesurfs. Roland y prend plaisir, retrouvant un vent soutenu qui lui rappelle sa Bretagne. Nous apprenons que le ciel de la moitié sud du pays se ferme au trafic aérien pendant deux semaines, pour cause d’exercices militaires. Chanceux, nous sommes donc passés entre les gouttes et rêvons encore des concrétions de sel de la mer Morte. ©